¡ Se fue Gabito o Gabo !
Vendredi 18 Avril
Terrassé par la maladie contre laquelle il se battait depuis pas mal d'années déjà, il est parti pour toujours le petit génie de la littérature colombienne, écrivain, journaliste, scénariste et même éditeur. Né a Aracataca, le 6 Mars 1927, où il passé son enfance, il partira ensuite à Sucre, puis à Barranquilla pour y poursuivre ses études
Là, il commence à rédiger ses premiers poèmes pour le journal de son école et livre ses premiers essais .. Il partira ensuite étudier le Droit à l'université de Bogotá, ville aux mille visages. Bogota la métropole moderne et impersonnelle ou bien Bogota, la belle dormeuse qui préserve ses souvenirs d'autrefois et son patrimoine.
Gabo deviendra célèbre en 1967 avec "Cien años de soledad" qui s'est vendu comme des petits pains, 8000 exemplaires la première semaine .. Un style personnel marqué par un monde intouchable et invisible, sans doute influencé par les histoires surnaturelles de fantômes et autres croyances dans lesquelles il avait été élevé par sa grand-mère. Il a pratiqué avec brio le réalisme magique tout au long de sa longue et brillante carrière. Je vous livre un extrait du premier chapitre de "Cien años de soledad" accompagné de sa traduction pour les lecteurs qui ne parlent pas espagnol. ¡ Adios Gabo ! Descansa en paz ...
Gabriel García márquez, Cien años de soledad
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Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'avait emmené découvrir la glace. Macondo était alors un village de vingt maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des oeufs préhistoriques. Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les désigner du doigt. Tous les ans, vers le mois de mars, une famille de Gitans déguenillés plantait sa tente près du village et, dans un grand tintamarre de fifres et de tambourins , faisait connaîre des nouvelles inventions. D’abord ils apportèrent l'aimant. Un gros Gitan à la barbe broussailleuse et aux mains de moineau, qui répondait au nom de Melquiades, fit une truculente démonstration en public de ce que lui-même appelait la huitième merveille du monde des savants alchimistes de Macédoine. Il passa de maison en maison, traînant derrière lui deux gros lingots de métal, et tout le monde fut saisi d’effroi à voir les chaudrons, les poêles, les tenailles et les chaufferettes tomber tout seuls de la place où ils se trouvaient, le bois craquer à cause des clous et des vis qui essayaient désespérément de s'en arracher, et même les objets perdus depuis longtemps apparaissaient là où on les avait le plus cherchés, et se traînaient en débandade turbulente derrière les fers magiques de Melquiades. "Les choses ont une vie bien à elles, clamait le Gitan avec un accent guttural; il faut réveiller leur âme, toute la question est là". José Arcadio Buendia, dont l'imagination débordante allait toujours plus loin que le génie de la Nature, quand ce n'était pas plus loin que les miracles et la magie, pensa qu'il était possible de se servir de cette invention inutile pour extraire l'or des entrailles de la terre. Melquiades, qui était un homme honnête, le mit en garde "Ca ne sert pas à ça." Mais José Arcadio Buendia, en ce temps-là, ne croyait pas à l'honnêteté des Gitans, et il troqua son mulet et un troupeau de chèvres contre les deux lingots aimantés. Ursula Iguaran, sa femme, qui comptait sur ces animaux pour accroître le maigre patrimoine domestique, ne parvint guère à l'en dissuader. "Très vite, nous aurons plus d'or qu'il n'en faut pour paver toute la maison", rétorqua son mari. Pendant plusieurs mois, il s'entêta à vouloir démontrer la justesse de ses prévisions. Il passa la région au peigne fin, y copris le fond de la rivière, traînant les deux lingots de fer et récitant à haute voix les formules qu'avait employées Melquiades. La seule chose qu'il parvint à déterrer fut une armure du XV° siècle dont tous les éléments étaient soudés par une carapace de rouille et qui sonnait creux comme une énorme calebasse pleine de cailloux. Quand José Arcadio Buendia et les quatre hommes de son expédition réussirent à désarticuler l'armure, ils trouvèrent à l'intérieur un squelette calcifié portant autour du cou un médaillon en cuivre qui renfermait une mèche de cheveux de femme.
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